Tuesday, July 5, 2011

Cirque de Missira

Cirque de Missira et autres nouvelles par Nafissatou Dia Diouf donne aux lecteurs une perspective profonde sur l’humanité à travers les expériences de plusieurs personnages sénégalais. Ce recueil est la septième œuvre (Présence Africaine, 2010) dans laquelle Diouf étale ses atouts comme écrivain expérimentée, – ce recueil est sa septième œuvre (Présence Africaine, 2010) – ajoutant sa voix aux autres des femmes de la nouvelle génération des écrivains africains. Parmi les meilleures nouvelles on trouvera « Sables Mouvants », primée par la Fondation Léopold Sédar Senghor de Dakar en 2000, et exemplaire d’un style soigné et d’une approche plus universelle quoique tirée d’une vision culturelle qui reste près des préoccupations du Sénégal contemporain. Elle écrit du malaise existentiel, soulignant les amertumes et espérances contemporaines de la société sénégalaise. Après la réussite dans plusieurs genres (romans, poésie, littérature de la jeunesse), elle a choisi de faire un recueil de nouvelles, peut-être pour pouvoir employer différentes techniques, évoquer certaines émotions et traiter divers thèmes.

L’une des techniques puissantes est celle des changements de perspective et de voix narrative. Plusieurs nouvelles sont écrites à la première personne (« Cirque de Missira », « Montouga », « Jusqu'à l’amour nous sépare »), ce qui rend les expériences écrites tellement plus intimes. On éprouve de la compassion et de la compréhension fortes pour les narrateurs (et narratrices) dans ces nouvelles. Ailleurs, Diouf opte parfois pour la troisième personne (« Sables Mouvants », « Erreur Fatale », « La malle aux souvenirs »), nous éloignant de l’intrigue et permettant une distance critique par rapport aux motifs, aux bienfaits — et plus souvent aux bêtises – des principaux personnages. Cette technique fait en sorte que le lecteur pense comprendre chaque aspect important de l’histoire, ce qui provoque la surprise quand des faits cachés se révèlent.

Prenons « Erreur Fatale » à titre d’exemple, une nouvelle sur les effets ravageurs de la sècheresse. Le patron d’un parti politique voulant donner des biens à des démunis pour gagner leur loyauté électorale, il envoie trois camions remplis de provisions aux villages sur une liste. On ressent la pression sur les camionneurs d’être efficaces en livrant ces biens au village de Kindiane. Quand ils arrivent au village, l’état délabré et désespéré des lieux est bien évident. Les villageois se réjouissent de recevoir de l’aide. À cause de la perspective de l’histoire (troisième personne), on pense savoir beaucoup sur les camionneurs et les villageois, mais le titre, agissant comme touche préparatoire, nous fait chercher l’erreur fatale. Elle est d’autant plus frappante, cette erreur, quand elle arrive après que le chef du village parle aux camionneurs :

« Étrangers, je vous salue. Je suis le chef de ce village. Je voudrais savoir quel bon vent vous amène. »

Le chauffeur de la foule de la veille avait perdu un peu de sa verve. Il émergeait à peine d’une courte nuit de sommeil et le soleil l’aveuglait. Il répondit, bougon :

« Ce n’est pas le chef du village qui doit décharger le bon de livraison, c’est le maire.

--Je … je ne comprends pas … quel maire ? Quelle livraison ? »

Le chef du village jeta un regard circulaire sur les camions et le hangar. Ses yeux interrogateurs se reposèrent sur son vis-à-vis qui commençait à perdre patience.

« Comment ça, ‘’je ne comprends pas’’ ? On est bien à Kindiane, non ?

--Non, Monsieur, vous êtes ici à Lindiane. Kindiane se trouve à soixante kilomètres au nord. »

La façon de raconter l’histoire rend ce choc encore plus bouleversant. Surtout sa fin époustouflante quand les camionneurs prennent tout et s’en vont à Kindiane.

Cet exemple montre que Diouf veut évoquer des émotions profondes et la réflexion personnelle. C’est pour cela qu’elle traite divers thèmes à travers ces dix-sept nouvelles, des thèmes tels que la crise d’identité, la motivation (pour l’humanité, l’amour, la gloire, la richesse), l’incertitude, le désespoir, etc. Elle prend des thèmes classiques et les forme pour viser une nouvelle génération dans le monde. Son écriture rend sensibles les insensibles, et pousse à l’action ceux qui sont déjà sensibles. Malgré le fait qu’elle critique et qu’elle soutienne subtilement certaines causes, elle n’offre pas de solutions pour les problèmes ; elle ne fait que poser des questions, qu’interroger son monde contemporain, évoquant un changement chez ses lecteurs pour le bien-être de l’humanité.

J’ai aimé la plupart des nouvelles dans ce recueil. Quelques-unes tirent vers l’étrange et le bizarre (« Cadavre volé »), vers le violent (« Pour le meilleur… »), ou l’érotique (« Enfin seuls »). En tant que nouvelles, elles bénéficient d’une concision marquante–pour autant que le conte (oral) fait partie intégrante de la tradition narrative de l’Afrique de l’ouest, ces nouvelles écrites font un pas dans le bons sens de leur parenté littéraire. On les survole, on saute dans la chronologie. Ses nouvelles sont très liées à la culture et l’histoire sénégalaise, alors le lecteur qui part d’une bonne familiarisation comprendra plus, mais leur application universelle fera plaisir à tous. En tout, j’ai apprécié ce recueil. Ces nouvelles m’ont fait réfléchir et les styles d’écriture étaient souvent très beaux et sensibles, ce qui m’a fait m’engager dans les histoires. Diouf donne validation aux sentiments et motivations universelles tout en respectant l’identité et la culture unique des Sénégalais. Comme elle a dit dans son inscription, je me sens que je peux « devenir moi-même … en meilleur» grâce à son livre.

Brittany Call

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