« A l’intérieur du Camp [à Tilène] régnait l’harmonie… Il y avait des cocotiers, des potagers, bien entretenus qui nous fournissaient des légumes. Le calme, la sérénité et la simplicité du paysage s’apparentaient au charme tranquille de notre maison. » (p. 7) C’est ainsi que Nafissatou Diallo décrit le village où elle est née le 11 mars 1941. Elle a publié son livre, De Tilène au Plateau, en 2007, pour raconter l’histoire de sa vie, passant de Tilène, une ville dans la campagne, au Plateau, centre commercial de Dakar]. Diallo ne prétend pas être « une héroïne de roman mais une femme toute simple de ce pays [Sénégal] : une mère de famille et une professionnelle (sage-femme et puéricultrice)… » (5). Cette Sénégalaise nous fait découvrir l’évolution de son pays par ce récit qui reprend son enfance dakaroise.
« Sur quoi écrirait une femme qui prétend ni à une imagination débordante ni à un talent d’écrire singulier ? Sur elle-même, bien sûr. » (5) L’élan autobiographique du roman trace surtout le déplacement de son être dans un Sénégal en proie aux vicissitudes de la décolonisation : de son enfance à Tilène, son adolescence, son déménagement à Plateau, et ses réflexions en tant qu’adulte. Autobiographique, alors, mais aussi un roman de formation où se dévoile pleine d’histoires de sa jeune vie et des choses qu’elle apprend. Les personnages principaux sont Nafissatou (Safi), son père, et Mame, sa grand-mère qui s’occupe d’elle après la mort de sa mère. Dans l’évolution de la littérature africaine, ce roman fait partie de la grande lignée de la Parole des Femmes, puisqu’il montre les opinions et les perspectives d’une femme au même titre des œuvres Une Si Longue Lettre de Mariama Bâ ou de Rebelle (Fatou Keïta).
Dans le but de rappeler aux jeunes qui sont en face des transformations du Sénégal moderne des valeurs oubliées elle partage sa vie. « Le Sénégal a changé en une génération. Peut-être valait-il la peine de rappeler aux nouvelles pousses ce que nous fûmes »(5). En particulier, Diallo vise le sentiment religieux aussi bien que le social qui se perd au fur et à mesure : « Je tiens à insister sur l’atmosphère qui régnait alors dans nos familles. L’union, la solidarité, c’est peu ; on les retrouve encore. Ce qui est devenu plus rare, c’est la droiture, l’honnêteté, le respect mutuel et la piété fervente qui nous étaient enseignés autant par les préceptes que par l’exemple » (10). Les expériences qu’elle décrit nous donne accès à autant de thèmes différents tels la mort, le déménagement, le mariage, les traditions, le rôle des femmes et des hommes, etc.
Un autre but de l’auteur pourrait être de montrer l’universalité du monde. L’œuvre est donc un rapprochement et une ouverture pour la lectrice occidentale. En lisant le roman on reconnaît des parallèles entre notre vie personnelle et la sienne (le premier amour) ou bien entre la culture occidentale et la sienne (par exemple les traditions du mariage, les funérailles, etc.). Les différences s’en dégagent, et la conscience culturelle se dévoile, sans jamais perdre de vue ce qui relie les êtres de différentes cultures. Il y a des sentiments, des relations, des expériences dans la vie sui sont universels parce que nous sommes tous des être-humains. Ces choses peuvent nous lier et mener à un meilleur niveau de compréhension entre les cultures, pays, ethnies, etc. La vivacité du style de l’auteur nous permet d’atteindre cette compréhension et de créer ce lien entre cultures.
Le style de Diallo renforce ces rapprochements, surtout entre croyants. Par exemple, « Ainsi avions-nous abattu une muraille par la force de la prière… Ce fut le début d’une foi qui demeure en moi et m’a souvent aidée à surmonter les épreuves qui, à coté des joies, jalonnent toute existence humaine » (66). Ici elle décrit une expérience effrayante, une inondation dans la maison et comment elle est capable de s’en sortir grâce à la foi. Racontée à la première personne, ce livre nous permet de ressentir les sentiments de l’écrivain et de les lier à nos propres expériences. Le livre est organisé chronologiquement et est séparé par des chapitres, dans lesquels elle décrit une ou deux expériences chacun.
Pendant la lecture du roman on se laisse prendre par l’auteur à cause de la transparence de sa prose, un style simple, franc, familier. On a l’impression qu’elle nous parle à travers son livre. On peut l’imaginer en train de nous tout dire sur la tristesse de la mort de son père quand elle dit « A chaque jour, presque à chaque heure son souvenir, son mode de souvenirs : l’enfance » (233). En lisant cette phrase on se souvient de nos propres tristesses qui ont remplies les jours, les minutes, les secondes de notre vie.
Elle utilise aussi du symbolisme pour tirer l’attention du lecteur. Elle continue, en parlant toujours de la mort de son père, « Au crépuscule, un énorme soleil rouge inondait de sang la mer, puis disparaissait. Ainsi avait disparu Père, notre lumière » (233). En comparant son père à une lumière qui est éteinte on peut ressentir sa douleur et son désespoir. Les métaphores sont aussi employées pour aider le lecteur à comprendre les sentiments de l’auteur. Sa guérison des blessures créées par la mort de son père a pris longtemps mais le temps aide. « Au bout du compte, ce fut peu à peu comme si j’avais reçu une transfusion après une si longue maladie. Imperceptiblement je revivais » (232). On est là avec elle dans son histoire et on est touché parce que ces sentiments sont semblables à ceux qu’on a déjà eus.
L’angoisse, les doutes autour de l’écriture, charme le lecteur, d’autant plus qu’elles recèlent une réflexion sur l’écriture elle-même. « Ecrire ? Moi ? J’entends les ricanements… » (233). Moi, je ne ris pas du fait qu’une mère sénégalaise a si bien écrit un roman. C’est sûr qu’il y avait des moments en lisant le livre que j’ai ri, en fait, j’ai aussi pleuré. Je le recommande à ceux qui cherchent un bon livre à lire pour le plaisir ou à ceux qui veulent jeter un coup d’œil sur la culture et la vie sénégalaise. Bonne lecture !
Melanie Roubicek
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